Devenir parent au XXIème siècle est un défi considérable. Du jour au lendemain, vous avez le devoir de maintenir un (parfois plusieurs !) petits êtres humains en vie sans en recevoir le mode d’emploi. Vous devez veiller à les soigner, les nourrir, les protéger du froid, des microbes et des dangers, tout en continuant à faire tout cela pour vous-même.
Votre quotidien est généralement un enchaînement de différentes casquettes :
– la casquette familiale le matin et le soir quand il s’agit de préparer le départ à l’école, les repas, de donner les bains, de mettre tout le monde au lit à une heure décente ;
– la casquette professionnelle, qui est avant tout un moyen d’assurer la sécurité financière de votre famille ;
– la casquette domestique pour veiller à vivre dans un environnement agréable ;
– la casquette conjugale, car c’est important pour vous « d’entretenir » votre couple pour qu’une distance ne s’installe pas entre vous et votre partenaire de vie
(si vous en avez un·e) ;
– la casquette sociale, pour entretenir les contacts avec votre famille et vos amis ;
– la casquette individuelle, qui vous pousse à vous octroyer du temps pour vous et vos hobbys.
Bien souvent, ces trois dernières casquettes sont négligées, voire remisées pendant quelques temps. Vos préoccupations sont variées et votre charge mentale est souvent lourde. Votre cerveau fonctionne en permanence pour trouver un équilibre entre vos multiples obligations et tenter de faire de la place à ce qui vous fait envie. Vous tentez d’être à 100% dans tout ce que vous faites, tant parce que c’est important pour vous que parce que c’est ce que la société exige de vous : être performant·e.
Lors de mes consultations, je rencontre des jeunes ou moins jeunes parents épuisés par cette vie frénétique. Tous ont en commun de vouloir faire de leur mieux dans tout ce qu’ils entreprennent. Qui peut le leur reprocher ? Quel autre choix ont-ils ? Après tout, c’est la norme.
Mais ce que nous oublions, c’est que cette norme de l’excellence parentale est relativement neuve. Elle découle, entre autres, de la révolution contraceptive, qui a fait de la procréation un choix plutôt que le simple résultat des rapports sexuels. La plupart des enfants sont le fruit d’un désir parental, d’un projet familial. Puisque nous l’avons tellement voulu, ou à tout le moins puisque nous avions les outils nécessaires pour que l’enfant n’arrive pas si nous ne le voulions pas, il est donc de notre devoir de parent de nous investir à 100% dans ce rôle. Et il n’est pas question de regretter par la suite ou de s’en plaindre (heureusement, cela commence à changer !). L’enfant, avant même sa naissance, doit devenir la préoccupation centrale de notre vie, de nos actions et de nos choix. Mais quelle place cela laisse-t-il à nos besoins, à nos désirs, à nos aspirations, à nous les parents ? Nous vivons dans une société où chaque personne est encouragée à s’épanouir, à s’écouter, à se développer, et où les valeurs d’autonomie et d’indépendance sont très fortes.
Nous constatons donc l’inéluctable : un conflit, une confrontation entre deux valeurs fondamentales qui sont l’écoute de nos propres besoins et l’abnégation nécessaire pour satisfaire les besoins d’un enfant. Cela mène de nombreux parents à ressentir des émotions négatives à l’égard de leur parentalité, parfois même de leurs enfants : frustration, amertume, regrets, incompréhension face au décalage entre le parent qu’ils sont et celui qu’ils s’imaginaient être.
Le réflexe de ces parents, logique dans une société qui prône la performance et l’indépendance, est de cacher ce ressenti qu’ils vivent comme anormal, illégitime. La honte et la déception d’eux-mêmes reviennent souvent dans les séances, surtout quand ils se comparent aux autres parents qu’ils pensent
parfaits au travers de leurs posts sur les réseaux sociaux. Ces parents s’isolent, se renferment et n’appellent pas à l’aide. Ils en auraient pourtant grand besoin.
Car si nous revenons en arrière, à une époque où la contraception n’existait pas, nous constatons que l’entraide était centrale dans les familles. Les générations vivaient souvent sous le même toit, chacun apportant ce qu’il pouvait à l’organisation familiale, de même que le voisinage qui constituait une aide précieuse. Les journées des mères n’étaient pas occupées par une activité professionnelle et elles ne devaient pas jongler entre toutes les casquettes que nous avons citées plus haut, de même que les pères qui intervenaient autrefois très peu à la maison et auprès des enfants. Nous sommes donc face à des parents qui multiplient leurs activités en tentant de donner leur maximum dans chacune, persuadés qu’il est de leur devoir de tout gérer en autonomie, en faisant un minimum appel à leur entourage. Chez certain·e·s, le besoin de prouver sa compétence parentale va même jusqu’à ne pas solliciter l’aide du partenaire de vie, qui est pourtant également le parent de leur enfant. Les parents qui s’inscrivent dans cette dynamique me disent ressentir un grand sentiment de solitude. Ils sont découragés face à leur quotidien et ne se reconnaissent plus.
Alors, chers parents, sachez d’abord que vous n’êtes pas seuls. Pas seuls à ressentir cela, pas seuls pour porter le poids des challenges de la parentalité. Mon conseil est le suivant : entourez-vous, écoutez cette sagesse ancestrale qui nous dit « Il faut tout un village pour élever un enfant ».
Quelques pistes de ressources :
– Vous-même ! Acceptez de lâcher-prise de temps en temps. Tout ne peut pas être parfait tout le temps, et c’est OK. Hercule n’a pas accompli ses 12 travaux en parallèle, il les a faits l’un après l’autre. Etablir vos priorités est important, en les classant en 3 catégories : absolument indispensable pour moi/ nécessaire mais pas urgent / peut attendre.
– Votre entourage ! Déléguer n’est pas un échec. Une manne de linge pliée par Mamy, un enfant conduit à la piscine par son tonton, un baby-sitting de quelques heures pour prendre du temps pour vous, c’est toujours ça de gagné. Et si cette aide peut s’inscrire dans la durée, le temps que vos enfants gagnent en autonomie, c’est encore mieux.
– Les professionnels ! Psychologues, sages-femmes, kinésiologues, réflexologues, acupuncteurs, groupes de paroles pour jeunes parents, intervenants de l’ONE … sont là pour vous accompagner dans cette période agitée. Faire le point sur vous et votre ressenti de la situation, prendre soin de vous, demander conseil n’est pas du temps perdu.
– Les lieux de rencontre pour jeunes parents ! De plus en plus d’initiatives citoyennes, communales ou dans le cadre de centres de soin voient le jour autour de la parentalité, de même que des cours de sport parent-bébé. En échangeant avec d’autres personnes, vous vous rendrez compte que votre vécu est partagé par d’autres, ce qui vous aidera à vous sentir moins seul·e et à vous juger moins sévèrement.
Si vous sentez que vous êtes à bout, n’hésitez pas à consulter la liste des psychologues formé·e·s au burn-out parental sur le site https://www.burnoutparental.com/s-en-sortir et à prendre contact avec un professionnel près de chez vous. Sachez qu’il est possible de retrouver du plaisir dans sa parentalité et de profiter des moments de joie que nous offrent nos petits trésors.
Chloé Vaneyck, psychologue clinicienne formée au burn-out parental En consultation au centre Haptis le jeudi ou vendredi après-midi